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6 novembre 2009 5 06 /11 /novembre /2009 17:44

 

On déplore régulièrement l'abêtissement et l'inculture des jeunes de moins de 30 ans, et on a coutume de l'attribuer à l'usage d'Internet.

Je pense que c'est une erreur. Internet ne rend ni intelligent, ni bête. Son usage suppose des compétences et développe d'autres facultés. Internet participe de la culture dans sa dimension cognitive et politique.

 

EMERGENCE D'UNE NOUVELLE FACON DE LIRE.

 

Est-ce de l'écrit ou de l'oral ? L'ère numérique selon Laura Miller, journaliste et critique, cofondatrice du site d'actualités, salon.com, est « à cheval sur l'écrit et l'oral ». Beaucoup d'écrits (conversation entre inconnus, posts des blogs) n'ont pas plus de valeur qu'une opinion lâchée, sous humeur. Il est des séries de commentaires qui rivalisent de mauvaise foi et de propos injurieux. Internet a certainement une fonction de défouloir au moindre coût pour certains d'entre nous. Mais « quoiqu'il en soit, des projets collaboratifs rassemblant des citoyens du monde entier, qui fournissent des informations sur la météorologie ou l'astronomie, constituent en ce moment même ce qu'il y a de meilleur sur la Toile, perpétuant le meilleur de la tradition de la République des Lettres. »

 

Internet est une autre façon de lire et d'écrire, son usage nécessite déjà ces compétences. Et il n' est, surtout, qu'un moyen - certes avec sa logique spécifique - qu'on décide d'utiliser à sa façon. Le volume de ce qui peut être dit et écrit représente, non pas un danger, mais une obligation d'être intelligent (trier, confronter, approfondir ) pour en obtenir des résultats attendus. Comme le dit Joaquin RODRIGUEZ, enseignant à l'université de Salamanque, in Socrate dans l'hyper-espace, Melusina, 2008 : « La plupart du temps, un blog est nourri de l'actualité et s'efforce d'élargir la réflexion grâce aux liens qui invitent le lecteur à parcourir le web et favorise ainsi une lecture arborescente.  »

 

L'exubérance d'écrits sur le Net jette de nouveau une lumière sacrée sur le livre: cela redevient une écriture rare donc précieuse. Peut-être que l'avenir de l'édition sera de produire ce genre de textes, car tout ce qui est de qualité contestable n'est pas uniquement sur la Toile, il est bon nombre de livres qui encombrent les devantures des librairies et n'ont rien à voir avec de la littérature, mais qui au contraire relèveraient plus du domaine du débat d'opinions tel qu'il se passe sur Internet. L'avenir est peut-être aux petites maisons d'éditions spécialisées, Internet accompagnant d'ailleurs activement le processus de pub.

 

La littérature aux élites ? Et alors ? Depuis qu'il y a une culture de masse, il y a une culture d'élite. Moi, dans ma cours de récré, il y avait déjà ceux qui lisaient Télérama et ceux qui lisaient Téléstar. Ceux qui lisaient Télérama avaient plus de chance d'arriver jusqu'aux bouquins.

A ses débuts, la B.D. fut considérée comme une dégénérescence de la culture. Aujourd'hui, plus personne ne songe à nier qu'il y ait une culture de la bande-dessinée. On peut lire aujourd'hui le livre d'Andrew Keen : Le culte de l'amateur ou comment Internet détruit notre culture ? Ou encore Marc Bauerlein, La Génération la plus bête ou comment l'ère numérique abrutit les jeunes Américains et compromet notre avenir, Tarcher/Penguin, 2008.

 

UN NOUVEAU MEDIA D'INFORMATION.

 

Mais est-ce vraiment la faute à Internet ?

Est-ce Internet qui brouille les pistes ? Le fameux JT de 13h se présente lui-même comme un feuilleton à séries ! On reproche à Internet de propager des rumeurs, et de créer de la désinformation. Les informations télévisuelles de masse ressemblent déjà à des magazines d'hygiène et de sécurité ! Est-ce la faute à Internet ?

On confond la cause et l'effet. Internet est le miroir de notre société. Internet n'a pas pour fonction de rendre les gens peu lettrés, plus lettrés. Mais il peut y contribuer si tel en est l'usage de l'internaute.

Il ne manque pas de blogs « intellectuels » ou « très spécialisés ». Mais on ne les trouve que si on les cherche. Beaucoup d'intellectuels ont un blog. Ils trouvent certainement un meilleur support pour exposer et débattre de leurs idées que ne l'est un bref passage au JT de 20h où le minutage empêche toute pensée un peu profonde de se développer. La qualité de lecteur dépend, comme bien des compétences, de la discipline, de l' éducation et du plaisir. La télévision, parce qu'elle ne dispose pas de cet effet « interactif », est un média plus facilement extorquable ( notamment par le pouvoir) et plus abrutissant qu'Internet.

 

Ainsi, le slogan « La génération internet, la génération la plus bête » est bien la phrase la plus bête de l'année !

 

La dimension politique de l'Internet réside dans sa puissance subversive. Il est encore difficile de mesurer l'étendue de ce média comme contre-pouvoir réel et efficace.

 

 

 

 

 

 

 

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