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27 août 2010 5 27 /08 /août /2010 00:20

Ou comment Grainedananar pête un plomb.

Resignation.JPGEst-ce que j'ai eu honte d'être française ces dernières années ? Et bien oui. C'est grossier ? Et alors ? Je m'en fous. Qui est le plus grossier ? Moi avec ma pauvre révolte en bandoulière ou l'avocat et ses copains de promo qui nous gouvernent et qui se torchent tous les jours un peu plus avec notre constitution, son préambule, nos droits individuels et sociaux ? J'insiste. Ce n'est pas une question rhétorique. Lequel des deux ?

Oui, j'ai eu honte d'être française ces derniers mois comme j'ai eu honte d'être française au lendemain du 21 avril 2002 lorsque j'ai croisé le regard des gens de couleur dans le bus qui m'amenait de chez moi au centre-ville du lieu où je résidais alors.

Comme tout un chacun, je n'ai pas choisi de naître, pas plus que de naître française. Mais depuis l'âge de 18 ans, j'ai souvent pensé que c'était peut-être une chance et j'ai choisi et décidé de le rester. Je suis citoyenne française, imposable et votante. Anarchisante à ses heures, on réglera mes petits paradoxes personnels plus tard, il y a plus urgent.

Transformant un état de fait en liberté assumée, j'appartiens donc à un peuple (encore un peu) libre et autonome, qui, par le droit d'expression et de vote qui lui est (encore) accordé, désigne régulièrement les têtes de cons qui vont les manipuler pendant les 5 années consécutives. En 2007, mes (trop) chers compatriotes, qui n'ont pas bien compris Coluche, ont élu Naboléon le Teigneux qui lave plus blanc que blanc, karchérise et pulvérise tout sur son passage. J'ai l'habitude de perdre, je n'ai connu que l'opposition. En 1981, j'avais 5 ans. En 1988, j'en avais 12. En 2002, mes (trop) chers compatriotes, qui ont plus le sens de la girouette que le sens politique, m'ont contrainte à voter Chirac, qui, contre toute attente, avec son poto de Villepin, m'a donnée l'unique occasion en ce mandat d'être fière d'être française, en n'engageant pas mon pays dans la busherie irakienne.

Qu'on m'entende bien. Quand je dis que j'ai honte d'être française, je dis que j'ai honte d'appartenir à un peuple qui se résigne à la médiocrité sécuritaire qui se commet avec le racisme de ses gouvernants en laissant faire. J'ai honte d'appartenir à un peuple qui par excès d'un confort passé en a oublié d'être digne de ceux qui leur ont légué la paix et l'aisance. J'ai honte lorsque, hors de mon pays, je reçois indûment l'estime et l'admiration des peuples qui m'accueillent parce qu'ils voient en moi l'héritière de  Montesquieu et Voltaire. J'ai honte que l'on m'attribue quelque chose que je n'ai pas mérité.

J'ai pourtant grandi dans un pays où toute fille d'extraction prolétaire que j'étais, j'ai pu vivre et librement étudier parce que des lois me protégeaient de mes "minorités", celle d'être enfant d'abord, femme ensuite, pauvre enfin. Je vis actuellement dans un pays où la police fait irruption dans les écoles pour expulser des enfants "irréguliers", lorsque NOTRE droit garantissait à tout enfant mineur sur le territoire l'accès à la scolarité. Je vis dans un pays où une jeune fille "irrégulière" qui va porter plainte dans un commissariat parce qu'un membre de sa famille la maltraîte, se voit immédiatement expulsée du territoire sans que sa requête première ne soit examinée.

Dois-je conclure que j'ai pu sauver ma peau en mon pays parce que je suis blanche, blonde aux yeux verts et française de souche pur porc ? Est-ce donc cela mon seul mérite ? Est-ce donc de cela que je devrais tirer ma fierté d'être française ?

Les actions indignes de la bande à Sarko et les rhétoriques qui les sous-tendent  nous avilissent, nous tous en tant que Français. Si nous ne réagissons pas, si nous ne RESISTONS pas par les paroles qui ne nous dispensent pas d'agir, nous sommes COMPLICES et COLLABORATEURS par omission, par soumission. Nous aurons tout l'avenir pour nourrir notre mauvaise conscience, et supporter le mépris de nos enfants d'être issus d'une génération d'impuissants.

Pourquoi abandonnerions-nous à nos gouvernants le monopole du symbole ? Non, je ne renouvellerai pas ma carte d'identité sous ce gouvernement. Je continuerai à donner encore plus de mes sous à Médecins sans Frontières, à Aide et Action, à France Terre d'Asile, car puisque je dois payer l'impôt, je déciderai de donner mon argent à qui je veux, à qui je crois, et non pas à un Etat qui afrête des charters pour renvoyer au néant les plus vulnérables d'entre nous. J'ai gagné mon argent proprement,  et je ne veux pas qu'on le salisse. Enfin, puisque ce gouvernement n'a eu de cesse de supprimer les subventions aux associations, et de laisser la charité bien s'ordonner à la charge de la société civile, que ceux qui le peuvent en fasse autant. On veut tous payer moins d'impôt. Si notre égoïsme pouvait rejoindre la cause humaine...peut-être cela contribuerait-il à relever la société française et à lui rendre un peu de sa dignité envolée à trop batifoler avec un Etat au gouvernement voyou ?

Et dans une vie future, je militerais pour qu'au fronton des batiments publics soit inscrite au-dessus de LIBERTE-EGALITE-FRATERNITE la célèbre phrase de John Donne : "Rien de ce qui est humain ne m'est étranger". C'était ça les droits de l'homme : protéger l'homme avant de s'enquérir de sa nationalité, donc protéger également l'apatride.

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commentaires

G
<br /> <br /> Tout à fait juste sur "la chasse aux sorcières", j'aurais dû m'en souvenir, tellement j'me suis fait chiée à Tolède, musée de l'Inquisition, et relire mon Candide.<br /> <br /> <br /> La misogynie est certes vieille comme le monde, comme la haine de l'autre, n'est-ce pas ?<br /> <br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> Je veillerai désormais à bien distinguer honte morale et honte politique. Pour la chasse aux sorcières, je maintiens qu'elle est d'abord une spécialité médiévale européenne très courue, initiée<br /> par l'Eglise. Elle est d'ailleurs encore en rigueur aujourd'hui dans certains pays. L'expression a également été utilisée, certes, pour désigner le maccarthysme ou chasse au rouge de bon ton.<br /> <br /> <br /> Quant à Ménandre, c'est bien le même... La misogynie, je ne te l'apprends pas, est vieille comme le monde, ou à peu près.<br /> <br /> <br /> <br />
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G
<br /> <br /> La honte dont je parle ici n'est pas une honte éthique ou morale, c'est-à-dire personnelle et individuelle. Il s'agit d'une honte politique, qui engage l'aspect collectif de son appartenance à un<br /> groupe. Lorsque ce matin encore, en rallumant ma "boite à ordure" qui me sert de radio, j'entends que des sondages d'origines variées enregistrent plus de 50% de sondés qui se disent satisfaits<br /> du sort actuellement réservé aux immigrés et aux Rroms, j'ai honte.  Je suis française de fait, et volontairement je le reste, mais j'ai honte d'une majorité de mes compatriotes. Je le reste<br /> et j'attaque, car je souhaite défendre une autre image possible de la nation française. Nos gouvernants devraient se sentir honteux ? Certainement, mais là, c'est une naïveté.<br /> <br /> <br /> Dans mon article précédent, j'ai employé le mot violent de POGROM. On peut légitimement me reprocher un parallèle indélicat. Outre le fait que c'est une provocation tout à fait assumée, je me<br /> demande toutefois jusqu'où j'exagère. Les Rroms sont aujourd'hui arrêtés et certaines arrestations musclées vont même jusqu'à séparer les familles (hommes/femmes) mais également les mères et<br /> leurs enfants. On les parque dans des camps de rétention où l'insalubrité ne doit rien avoir à envier aux campements sauvages d'où on les sort. Notre mémoire française est-elle à ce point<br /> amnésique ? Est-ce tellement étonnant ? Y a-t-il, avec celui des homosexuels, un génocide plus oublié que celui des Tsiganes lors de la Seconde Guerre Mondiale ? Sarkozy veut une citoyenneté<br /> française à plusieurs vitesses. Le parquage et l'étiquetage des individus, ça ne nous rappelle rien? "La chasse aux sorcières", c'était en Amérique, je crois. "Les ghettos et les Pogroms", c'est<br /> une spécialité européenne. De même que beaucoup de Juifs étaient allemands, les Rroms roumains et bulgares sont européens, et avec un grand E, s'il vous plaît.<br /> <br /> <br /> Les Rroms représentent cette différence ultime, absolue. Partout où ils élisent campement, on les poursuit et on les chasse. D'ex-Yougoslavie, de Bulgarie, de Hongrie, de Roumanie, d'Italie et<br /> aujourd'hui de France. On a donné aux Juifs un Etat après leurs longs siècles d'errance. Je doute que les Rroms aient envie de cela, au regard de la grande diversité qui les constitue. Je crois<br /> qu'ils veulent juste vivre. Mais un Etat sécuritaire ne peut pas même concevoir ce qu'est le nomadisme... alors le tolérer !<br /> <br /> <br /> Tu as raison de corriger ma citation erronée. Et puis John Donne, il était anglais, hum, mais bon on lui pardonne parce qu'il était catholique quand même ! Par contre, qui est ce Ménandre ?<br /> Est-ce ce poète grec antique, très comique , qui écrivait au V ème siècle avant J-C :<br /> <br /> <br /> « De toutes les bêtes sur terre et sur mer / qui existent, la plus méchante bête est la femme. »<br /> <br /> <br /> « Une honnête femme doit rester chez elle ; la rue est pour la femme de rien. »<br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Oui, Grainedananar, tu as raison...<br /> <br /> <br /> Nous avons bien des raisons, et depuis longtemps, d'avoir honte. Honte d'appartenir à une communauté qui se déclare majoritairement raciste. Honte de faire partie d'un pays qui rejette la<br /> différence, méprise le plus faible, fabrique les apatrides. Honte d'être citoyen d'une nation qui a élu démocratiquement un apprenti sorcier ignoble qui ne recule devant rien pour flatter les<br /> instincts les plus bas d'un peuple à qui on ne cesse de faire peur, sciemment.<br /> <br /> <br /> Et j'ai eu honte souvent, et souvent j'ai honte. Je me souviens de mes premières indignations : c'était en 1986. Cette année-là, les preneurs d'otage de la grotte d'Ouvéa étaient sommairement<br /> exécutés, Malik Oussekine était tué par la police, Pasqua organisait les premiers charters. De quoi vous éveiller à la politique, de quoi avoir honte, certes. La honte n'est pas nouvelle, les<br /> pratiques honteuses de notre pays non plus. Et j'ai eu bien plus d'occasions d'avoir honte tout au long de ces années que de motifs de fierté. A vrai dire, j'ai honte chaque jour, quand je vois<br /> les SDF toujours plus nombreux dans ma station de métro, quand je détourne honteusement mon regard de bien nourri bien logé, quand je ne donne pas, quand on stigmatise, quand on expulse, quand on<br /> tue l'espoir...<br /> <br /> <br /> J'ai honte mais je me refuse à être honteux. La nuance est infime, sans doute, ridicule et inepte, peut-être. Je veux dire que les premiers à avoir honte devraient être ceux qui, justement,<br /> provoquent et entretiennent, par leur absence totale de vergogne, ce sentiment de honte et d'impuissance.<br /> <br /> <br /> Mais j'ai honte, oui. Et non, je ne me résigne pas. « Je suis de la race de ceux qu'on opprime » disait Césaire qui écrivait aussi : « Tout l'espoir n'est pas de trop pour regarder<br /> ce siècle en face. » Alors je vais continuer, aussi fièrement que possible, à dire non. Je vais continuer à lutter, à ma petite mesure, contre le pourrissement des idées et de notre société,<br /> pour ne pas trop avoir honte. Car, comme tu le rappelles à juste titre en citant Ménandre, « Je suis homme, et rien de ce qui est humain ne m'est étranger ».<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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