Ou comment Grainedananar pête un plomb.
Est-ce que j'ai eu honte d'être française ces dernières années ? Et bien oui. C'est grossier ? Et alors ? Je m'en fous. Qui est le plus grossier ? Moi avec ma pauvre révolte en bandoulière ou l'avocat et ses copains de promo qui nous gouvernent et qui se torchent tous les jours un peu plus avec notre constitution, son préambule, nos droits individuels et sociaux ? J'insiste. Ce n'est pas une question rhétorique. Lequel des deux ?
Oui, j'ai eu honte d'être française ces derniers mois comme j'ai eu honte d'être française au lendemain du 21 avril 2002 lorsque j'ai croisé le regard des gens de couleur dans le bus qui m'amenait de chez moi au centre-ville du lieu où je résidais alors.
Comme tout un chacun, je n'ai pas choisi de naître, pas plus que de naître française. Mais depuis l'âge de 18 ans, j'ai souvent pensé que c'était peut-être une chance et j'ai choisi et décidé de le rester. Je suis citoyenne française, imposable et votante. Anarchisante à ses heures, on réglera mes petits paradoxes personnels plus tard, il y a plus urgent.
Transformant un état de fait en liberté assumée, j'appartiens donc à un peuple (encore un peu) libre et autonome, qui, par le droit d'expression et de vote qui lui est (encore) accordé, désigne régulièrement les têtes de cons qui vont les manipuler pendant les 5 années consécutives. En 2007, mes (trop) chers compatriotes, qui n'ont pas bien compris Coluche, ont élu Naboléon le Teigneux qui lave plus blanc que blanc, karchérise et pulvérise tout sur son passage. J'ai l'habitude de perdre, je n'ai connu que l'opposition. En 1981, j'avais 5 ans. En 1988, j'en avais 12. En 2002, mes (trop) chers compatriotes, qui ont plus le sens de la girouette que le sens politique, m'ont contrainte à voter Chirac, qui, contre toute attente, avec son poto de Villepin, m'a donnée l'unique occasion en ce mandat d'être fière d'être française, en n'engageant pas mon pays dans la busherie irakienne.
Qu'on m'entende bien. Quand je dis que j'ai honte d'être française, je dis que j'ai honte d'appartenir à un peuple qui se résigne à la médiocrité sécuritaire qui se commet avec le racisme de ses gouvernants en laissant faire. J'ai honte d'appartenir à un peuple qui par excès d'un confort passé en a oublié d'être digne de ceux qui leur ont légué la paix et l'aisance. J'ai honte lorsque, hors de mon pays, je reçois indûment l'estime et l'admiration des peuples qui m'accueillent parce qu'ils voient en moi l'héritière de Montesquieu et Voltaire. J'ai honte que l'on m'attribue quelque chose que je n'ai pas mérité.
J'ai pourtant grandi dans un pays où toute fille d'extraction prolétaire que j'étais, j'ai pu vivre et librement étudier parce que des lois me protégeaient de mes "minorités", celle d'être enfant d'abord, femme ensuite, pauvre enfin. Je vis actuellement dans un pays où la police fait irruption dans les écoles pour expulser des enfants "irréguliers", lorsque NOTRE droit garantissait à tout enfant mineur sur le territoire l'accès à la scolarité. Je vis dans un pays où une jeune fille "irrégulière" qui va porter plainte dans un commissariat parce qu'un membre de sa famille la maltraîte, se voit immédiatement expulsée du territoire sans que sa requête première ne soit examinée.
Dois-je conclure que j'ai pu sauver ma peau en mon pays parce que je suis blanche, blonde aux yeux verts et française de souche pur porc ? Est-ce donc cela mon seul mérite ? Est-ce donc de cela que je devrais tirer ma fierté d'être française ?
Les actions indignes de la bande à Sarko et les rhétoriques qui les sous-tendent nous avilissent, nous tous en tant que Français. Si nous ne réagissons pas, si nous ne RESISTONS pas par les paroles qui ne nous dispensent pas d'agir, nous sommes COMPLICES et COLLABORATEURS par omission, par soumission. Nous aurons tout l'avenir pour nourrir notre mauvaise conscience, et supporter le mépris de nos enfants d'être issus d'une génération d'impuissants.
Pourquoi abandonnerions-nous à nos gouvernants le monopole du symbole ? Non, je ne renouvellerai pas ma carte d'identité sous ce gouvernement. Je continuerai à donner encore plus de mes sous à Médecins sans Frontières, à Aide et Action, à France Terre d'Asile, car puisque je dois payer l'impôt, je déciderai de donner mon argent à qui je veux, à qui je crois, et non pas à un Etat qui afrête des charters pour renvoyer au néant les plus vulnérables d'entre nous. J'ai gagné mon argent proprement, et je ne veux pas qu'on le salisse. Enfin, puisque ce gouvernement n'a eu de cesse de supprimer les subventions aux associations, et de laisser la charité bien s'ordonner à la charge de la société civile, que ceux qui le peuvent en fasse autant. On veut tous payer moins d'impôt. Si notre égoïsme pouvait rejoindre la cause humaine...peut-être cela contribuerait-il à relever la société française et à lui rendre un peu de sa dignité envolée à trop batifoler avec un Etat au gouvernement voyou ?
Et dans une vie future, je militerais pour qu'au fronton des batiments publics soit inscrite au-dessus de LIBERTE-EGALITE-FRATERNITE la célèbre phrase de John Donne : "Rien de ce qui est humain ne m'est étranger". C'était ça les droits de l'homme : protéger l'homme avant de s'enquérir de sa nationalité, donc protéger également l'apatride.